Je ne prévois pas d'être parent

La planification de la grossesse et les soins de santé reproductive ne se limitent pas au désir de fonder une famille. Il s’agit aussi du fait de ne pas vouloir fonder de famille, du droit de ne pas avoir d’enfants. C'est vrai pour tout le monde et il faut faire preuve de prudence pour soutenir ces décisions.

Écoutez les plans de M de ne pas être père et les mesures qu'ils prennent pour s'assurer que ça n'arrive pas

« Le fait d’être une personne queer qui ne veut pas avoir d’enfants ne signifie cependant pas que je n’ai pas besoin de lieux et d’espaces pour accéder à des soins de santé reproductive. »

transcription

Commençons par clarifier un point afin de préciser le sujet de cette conversation. La planification de la grossesse et les soins de santé génésique ne concernent pas seulement le désir de fonder une famille. Cela touche aussi au souhait de ne pas vouloir fonder une famille – le droit de ne pas avoir d’enfants. Ma décision de ne pas devenir parent s’explique par de nombreux facteurs. Ma politique et ma vision du monde – en tant que personne blanche du nord mondial – font que je n’ai pas envie d’avoir des enfants. Oui, j’ai à ma disposition tout ce dont j’aurais besoin pour fonder une famille, mais il y a là-dessous une injustice qui, à mon sens, doit être redressée. Il y a aussi des raisons plus personnelles, intérieures. Je suis d’une famille où les traumatismes et les maladies mentales se sont succédé d’une génération à l’autre. Il existe une possibilité génétique de transmettre l’une ou l’autre, voire les deux, et je choisis de ne pas ignorer ce fait. Certaines personnes veulent avoir des enfants pour faire avancer leur histoire dans le futur. Je suis préoccupé par l’environnement que nous, en tant que communauté, créons – ou laisserons derrière nous – pour les prochaines générations. Cette connaissance m’empêche également de vouloir créer plus d’enfants qui vivraient ici. Je suis reconnaissant de faire partie d’une communauté aimante et généreuse, de familles choisies et génétiques, et je peux laisser libre cours à mes instincts parentaux et aidants avec les enfants de ma famille choisie (j’inclus également ma famille génétique dans cette démarche, car je choisis de poursuivre nos relations, quoique souvent tendues). C’est ce que je choisis par amour et par respect pour moi-même, ma famille et ma communauté.

Je me sens vivant et satisfait en exerçant mon autonomie sur mon propre corps. Il y a une quinzaine d’années, j’ai envisagé d’adopter un·e enfant. Un·e ami·e et moi avons dit que lorsque nous aurions 40 ans, si nous étions célibataires, nous adopterions un·e enfant ayant des besoins qui l’empêcheraient probablement d’être adopté·e ou même d’être placé·e facilement en famille d’accueil. Je n’ai donc jamais envisagé d’avoir un·e enfant génétique. Les enfants adopté·e·s ou placé·e·s en famille d’accueil méritent, à mes yeux, une médaille au cœur violet. Cependant, il y a 15 ans, je pensais que le monde serait différent de ce qu’il est aujourd’hui. Le monde global et mon monde. Je me suis donc rendu compte que je devrais modifier mes priorités du tout au tout et que la parentalité n’est tout simplement pas pour moi.

Le fait d’être une personne queer qui ne veut pas avoir d’enfants ne signifie cependant pas que je n’ai pas besoin de lieux et d’espaces pour accéder à des soins de santé reproductive. Les gens font trop de suppositions. Il y a quelques années, j’ai eu un partenaire transmasculin. Il prenait une hormonothérapie de testostérone depuis des années et n’avait plus de règles, mais nous ne voulions pas pour autant présumer que la possibilité d’une grossesse était disparue. Étant son partenaire et son ami, je ne voulais pas que son corps soit encore plus médicalisé. Du point de vue de l’équité, il m’a semblé approprié de me charger de notre prévention de la grossesse. Cependant, personne n’évoque jamais la possibilité d’une grossesse avec moi. Même lorsque j’ai parlé d’un partenaire transmasculin, jamais un médecin ne m’a demandé depuis combien de temps mon partenaire prenait de la testostérone, ou même si nous avions déjà parlé de la possibilité d’une grossesse. Les médecins supposent que je suis un homme gai, que j’ai des relations homosexuelles et que la reproduction n’est donc pas une préoccupation. Les suppositions ne sont pas utiles dans la vie des gens et certainement pas dans le domaine de la santé! Je savais que je devais protéger mon partenaire. Tout le monde a entendu parler des horreurs du système médical allopathique, pour une personne transmasculine enceinte dans le contexte d’un système de santé encore très binaire. Au moins, nous disposons de preuves anecdotiques à ce sujet. Mais qu’en est-il d’une personne transmasculine qui ne veut pas être parent? Savons-nous ce qu’il en est de l’accès à l’avortement pour un homme?

C’est une bonne chose que je sache me faire entendre. J’ai sérieusement envisagé de subir une vasectomie, mais la dimension sexuelle de notre relation a disparu, et je n’ai donc pas donné suite à mon projet. J’ai envisagé de le faire quand même. J’ai eu d’autres partenaires transmasculins, mais il ne s’agit pas seulement d’eux. Il s’agit aussi de ma décision de préserver mon autonomie corporelle. Je ne veux jamais mettre un partenaire en position de prendre une décision qui entrerait en conflit avec son modèle moral. Il s’agit de moi. Mes choix. Mes droits.

Je veux que mon histoire fasse partie de cette ressource nationale afin que divers points de vue et diverses orientations qui célèbrent l’autonomie, comme le choix de ne pas avoir d’enfant, et le droit aux soins de santé spécifiques aux personnes queers, soient nommés et donc pris en compte. Le fait même de créer une ressource nationale vise à contribuer à éliminer des obstacles à l’accès à des soins sûrs. Bien que je sois très réticent à l’idée de citer RuPaul comme icône de la santé génésique, je vais reprendre ses mots : en tant que personnes queers, nous choisissons nos propres familles. C’est quelque chose que nous savions déjà et dont nous avons parlé entre nous depuis des générations, dans les communautés queers, avant que quelqu’un ne le dise dans un microphone. Cela fait partie intégrante de ma décision de ne pas me marier, de ne pas devenir parent. Bien que j’aie choisi de ne pas avoir une structure familiale normative ou conventionnelle, j’ai trouvé une communauté qui est devenue ma famille. J’ai confiance en mes décisions parce que je peux parler de la manière dont elles ont été prises, sans subir de jugement, mais en recevant une considération minutieuse et intensément généreuse. La famille que j’ai choisie m’aide à naviguer dans ces décisions, non pas pour imposer un ordre moral, mais pour appuyer mon bien-être. Il ne s’agit que d’une histoire d’affirmation de l’autonomie corporelle, vous pouvez continuer à écrire la vôtre. J’espère que vous avez une communauté de soutien qui défend VOS choix, car vous êtes la seule personne à savoir ce qui est le mieux pour vous. En somme, il s’agit de choix que vous faites à propos de votre corps et de votre avenir. Votre communauté de soutien commence par vous-même.