Comment les hommes célibataires atteints du VIH peuvent-ils devenir pères ? Bien que plus facile aujourd'hui, l'accès à la maternité de substitution pour un homme vivant avec le VIH est difficile au Canada. Cela a mené R à envisager des options internationales sans aucun conseil ni orientation. Il partage les leçons qu'il a apprises.
« Je veux être vraiment honnête avec les autres qui pourraient se trouver dans une situation semblable à la mienne, afin qu’ils puissent apprendre. »
J’ai commencé ma démarche d’essayer de devenir un père biologique il y a 13 ans. De mon point de vue, j’étais confronté dès le début à quatre obstacles. Je suis célibataire. Je suis homosexuel. Je suis plus âgé. Je vis avec le VIH. Mais je devais essayer.
Mon parcours a commencé par des tests élémentaires de fertilité pour vérifier si je pouvais engendrer un·e enfant. Cette partie était facile. En tant qu’homme gai célibataire vivant avec le VIH et désireux d’avoir un·e enfant biologique, je me suis intéressé à la maternité de substitution. Mais cette option ne m’était pas accessible au Canada à l’époque. Santé Canada l’interdisait. J’ai donc travaillé seul, sans aucun soutien, pour voir ce qu’il pourrait y avoir dans d’autres pays. J’ai trouvé une agence en Europe qui était prête à négocier mon accord international avec une mère porteuse. L’agence était digne de confiance et travaillait fort. La dame travaillait avec des cliniques du monde entier et m’a donné l’espoir que cela fonctionnerait. Je vous laisse imaginer combien cela allait coûter. Peu importe, c’était la meilleure option qui s’offrait à moi.
J’ai été mis en contact avec un programme de fertilité à l’autre bout du monde. J’ai réservé mon billet et j’étais prêt à partir. Mais la nouvelle a éclaté au sujet de pratiques de maternité de substitution internationale qui étaient contraires à l’éthique, dans ce pays, et l’affaire est devenue virale. Le pays a évidemment pris la décision de mettre un frein à la maternité de substitution internationale. J’étais découragé, mais l’agente européenne en maternité de substitution m’a rassuré : « Nous pouvons envisager d’autres pays. Vous récupérerez tout votre argent. Nous pouvons recommencer. » Elle m’a mis en contact avec un nouveau pays et j’étais prêt. Une fois de plus, j’ai eu le cœur brisé. Lorsque je suis arrivé dans le pays envisagé, j’ai appris que le processus de maternité de substitution y avait été interdit, et donc annulé par la clinique. Je ne devais rester que deux semaines et je devais essayer d’inverser la décision. J’étais physiquement dans le pays, la mère porteuse était toujours d’accord, mais les politiques avaient changé. J’étais tellement dévasté que je n’ai pas quitté ma chambre d’hôtel pendant trois jours.
Je suis revenu au Canada. L’argent que j’avais versé pour le programme m’a de nouveau été remboursé, mais je n’avais plus d’autre choix. Des années s’étaient écoulées et je perdais espoir. Ma dernière option était de travailler avec un·e agent·e aux États-Unis. L’agence avec laquelle je travaillais depuis plusieurs années ne proposait pas de maternité de substitution aux États-Unis, mais m’a mise en contact avec une agence dans ce pays. Puisqu’il s’agissait d’une recommandation « chaleureuse », je n’ai pas fait de recherches. Dès le début, quelque chose en moi sentait l’incertitude, mais je n’ai pas hésité. J’ai commencé à effectuer les paiements qu’on me demandait. J’ai envoyé beaucoup d’argent, mais les choses semblaient s’éterniser. Les années passaient et je dépensais toutes mes économies. Je me faisais arnaquer comme des dizaines d’autres personnes du monde entier qui voulaient simplement être parents. Il me semblait presque impossible d’avancer et de continuer à essayer, mais je n’abandonnerai jamais.
J’ai trouvé une clinique aux États-Unis qui était disposée à travailler directement avec moi. Grâce à des ovules de donneuses, quatre embryons viables ont été créés. Il s’agissait d’une étape importante dans mon parcours. La bonne nouvelle, c’est que le Canada avait commencé à changer ses règles. J’ai pu trouver une agence de maternité de substitution en laquelle je pouvais avoir confiance pour l’étape suivante. Ensemble, nous avons trouvé une mère porteuse. Nous avons fait trois tentatives différentes de transfert d’embryons. La première s’est soldée par une fausse couche au premier trimestre et les deux autres n’ont pas abouti à une grossesse. Il me reste un embryon à essayer.
Vous vous demandez peut-être comment et pourquoi je peux continuer à essayer. Pour être honnête, j’ai maintenant beaucoup plus peur qu’avant. Mais je n’ai pas perdu tout mon optimisme. Il est toujours là, quelque part. On m’a demandé : et si cela n’arrivait jamais? Et après? Ma réponse est toujours la même : « Je suis déjà père. J’attends simplement que mon enfant arrive au monde. Je n’ai toujours pas d’enfant, mais je me bats encore et je continuerai à me battre pour mon enfant jusqu’à mon dernier souffle. »
Les récentes années ont été difficiles. L’argent est devenu un problème de plus en plus important. J’espère que les choses changeront pour moi. Peut-être que cette année, je serai en mesure d’essayer une dernière fois. J’ai peur et j’hésite, mais je dois essayer une dernière fois. Je m’inquiète parce que je suis plus âgé et que j’ai moins d’économies. Je me demande s’il est temps d’arrêter. Mais à chaque fois que je me dis que ça suffit, je ne peux pas me décider à laisser tomber, car quelqu’un là-haut m’envoie un signe.
Je veux être vraiment honnête avec ceux qui pourraient se trouver dans une situation semblable à la mienne, afin qu’ils puissent apprendre. Je suis très épuisé et ce qui m’est arrivé aux États-Unis m’a traumatisé. J’aurais dû me renseigner à chaque étape. Faites vos recherches et fiez-vous à votre instinct! Si vous sentez que quelque chose cloche, c’est probablement le cas. Le processus est rempli de hauts et de bas, et c’est épuisant sur le plan émotionnel. Trouvez du soutien. Nous devons apporter davantage de soutien aux personnes qui souhaitent fonder une famille de cette manière. Mon parcours a commencé il y a longtemps. Si Santé Canada n’avait pas créé cet obstacle, les choses auraient été bien différentes. Pourtant, je n’ai pas l’impression que les médecins ou les membres de la communauté savent où se trouvent les ressources pour les personnes séropositives qui cherchent à devenir parents. J’ai dû tout découvrir par moi-même. Cela a pris du temps. Trouvez donc quelqu’un qui peut vous aider, notamment à comprendre les lois, le processus et l’engagement financier.
J’ai commencé à essayer de devenir un père biologique il y a 13 ans. Je suis passé par toutes les étapes. J’espère que le prochain chapitre est à portée de main.